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François Kraus (Ifop) : « Les gays, bis et lesbiennes ne forment pas un électorat monolithique »
François Kraus, Chef de groupe au Département Opinion et Stratégies d’entreprise de l’Ifop, est l’auteur d’une note remarquée du Cevipof (Centre d’études politiques de Sciences Po) sur la sociologie politique des gays, bi et lesbiennes. L’occasion de battre en brèche quelques idées reçues à propos d’une catégorie de population qui regrouperait près de trois millions d’électeurs en France.
1 – Peut-on mesurer le poids des minorités sexuelles dans l’électorat et quelles sont leurs caractéristiques aujourd’hui en France ?
Mesurer l’orientation sexuelle n’est pas une chose si aisée tant elle implique de prendre des précautions d’ordre méthodologique mais aussi de faire un choix parmi les différents indicateurs permettant d’en appréhender les multiples facettes. Dans une enquête à dimension politique, l’indicateur le plus approprié nous paraît être l’indicateur d’auto-identification, notamment parce qu’il induit l’affirmation d’une identité. Nous avons donc inséré cet indicateur dans une enquête dont la taille de l’échantillon et le mode de recueil réduisaient fortement la marge d’erreur et les risques de sous-déclarations inhérents au caractère intime du sujet abordé.
D’après cette enquête, les gays, bis et lesbiennes représenteraient 6,5% de la population âgée de 18 ans et plus (3% se revendiquant homosexuelles, 3,5% comme bisexuelles). Si l’on extrapole ces données à l’échelle de la population française en âge de voter, la France compterait 3,2 millions de personnes affirmant une part d’homosexualité, dont 1,5 millions d’homosexuel(le)s et 1,7 millions de bisexuel(le)s. La proportion d’homosexuels et de bisexuels inscrits sur les listes électorales étant identique à leur poids dans l’ensemble de la population, on peut donc évaluer à 2,8 millions les électeurs revendiquant une part d’homosexualité.
D’après les résultats de cette enquête, les minorités sexuelles présentent un profil à dominante masculine (à 68% contre 46% chez les hétérosexuels) tout en constituant une sous-population dans laquelle la proportion de moins de 50 ans est plus élevée (66%) que dans le reste de la population (53%). Cette sous-représentation des femmes et des séniors n’est pas étrangère au taux d’activité très élevé mesuré dans la population homo-bisexuelle (70% contre 56% chez les hétérosexuels), d’autant plus que les CSP+ sont surreprésentées dans la population active homosexuelle (30% contre 21% dans la population active hétérosexuelle). On note également que plus d’un quart des homosexuels résident en agglomération parisienne (28%, contre 15% des hétérosexuels).
2 – Les attitudes politiques et les comportements électoraux des personnes affirmant une part d’homosexualité diffèrent-ils du reste de la population ?
Les électeurs bis et homosexuels se distinguent du reste des Français par un profond ancrage à gauche, un rejet de la droite parlementaire mais aussi un attrait pour l’extrême droite tout aussi prononcé que chez l’ensemble des Français. Cela ressort notamment dans leurs intentions de vote du premier tour de l’élection présidentielle.
En effet, les candidats de gauche attirent aujourd’hui la moitié des suffrages des minorités sexuelles (49,5%, contre 40,5% chez le reste des Français), sachant que dans les rangs des homosexuels, les intentions de vote en faveur de la gauche sont encore plus élevées : 53% au total, dont un tiers pour François Hollande. A l’inverse, les candidats de la droite parlementaire (Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin,…) rassemblent à peine 20% des intentions de vote des homosexuels et 25% de celles des bisexuels, soit un niveau largement inférieur à celui mesuré chez l’ensemble des Français (32,5%). En revanche, la tentation de l’extrême droite est aussi forte dans les rangs des personnes affirmant une part d’homosexualité (17% chez les homosexuels, 20% chez les bisexuels) que chez l’ensemble des Français (19,5%).
Plus largement, on note que les électeurs bis et homosexuels apparaissent moins abstentionnistes, moins hésitants et plus constants dans leurs choix que le reste des Français. En effet, on observe notamment chez les électeurs homosexuels un rapport particulier au politique – comme d’ailleurs dans d’autres minorités mobilisées autour de revendications spécifiques – qui se traduit par une participation plus forte aux dernières élections mais aussi par un niveau d’indécision électoral plus faible. On recense ainsi dans leurs rangs plus d’électeurs sûrs de leur choix (61%, contre 54% chez les hétérosexuels) ou en mesure d’exprimer une intention de vote précise au premier tour (88% des homosexuels, contre 85% des bisexuels et 81% chez les hétérosexuels).
3 - En 2012, les gays, bis et lesbiennes constituent-ils un électorat stratégique pour la campagne ? Peuvent-ils faire basculer l’élection ?
Il y a peu de chances que les gays, bis et lesbiennes soient en mesure de faire basculer l’élection, notamment parce qu’ils ne forment pas un électorat monolithique dont les choix électoraux seraient exclusivement déterminés par leur orientation sexuelle et donc par la prise en compte des revendications phares de la communauté (mariage entre homosexuels, droit à l’adoption,…). Leur vote, et notamment celui des bisexuels, sera sans doute influencé par d’autres critères.
Il n’en reste pas moins que le poids électoral des bis et des homosexuels (6,5%) est loin d’être négligeable si l’on le compare, par exemple, aux pans de l’électorat les plus éloignés de leurs aspirations politiques tels que le noyau dur des catholiques pratiquants (4,5% de « messalisants » en 2006) ou encore, l’ensemble des musulmans inscrits sur les listes électorales (5% en 2007).
Ainsi, au second tour de l’élection présidentielle, leur ancrage à gauche est tel – 66% des bis et 68% des homos voteraient pour le candidat socialiste, contre 57% des voix des hétérosexuels – qu’ils feraient gagner à François Hollande un point d’intentions de vote sur l’ensemble des votants (58%). Si l’issue du scrutin s’avérait très serrée, ils constitueraient donc une force d’appoint nécessaire à la victoire de la gauche.
(Propos recueillis par Yves-Marie Cann)
Catégories: 2012, Interviews, Sociologie électorale, Sondages, Sondages · Tags: Ifop
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