Petite Chronique d’Une Election 31 – « A la recherche du Sondage Scoop »

Le sondage réalisé par l’IFOP et publié par le JDD dimanche dernier et testant l’hypothèse d’un premier tour sans Marine Le Pen – et d’autres « petits » candidats – a déclenché une grande attention et de très nombreux commentaires. Dans cette configuration Nicolas Sarkozy ferait jeu égal au premier tour avec François Hollande avec 33% des suffrages ; ce résultat ne nous paraît pas être une grande surprise puisqu’il montre simplement et de façon attendue que les électeurs potentiels de Marine le Pen se reporteraient plutôt sur Nicolas Sarkozy et semble relever du coup médiatique plus que de toute autre logique, malgré les dénégations de l’institut. En revanche on peut plutôt se demander pourquoi le même sondage ne testait pas le second tour et ce ne sont pas les explications fournies dans le même article qui nous ont convaincu – ou alors il ne faudrait jamais tester le second tour avant l’élection…

Or la bonne explication nous semble assez simple : le sondage n’évoquait pas le second tour parce qu’un second tour entre Nicolas Sarkozy et François Hollande aurait donné les mêmes résultats que tous les sondages depuis plusieurs mois, c’est à dire une victoire de ce dernier avec plus de 12 points d’écart, donc finalement rien de neuf sous le soleil hivernal, et c’est bien là le problème… En effet pour les médias qui publient les sondages et les instituts qui les réalisent, des résultats invariables semaine après semaine, d’une redoutable monotonie, ce n’est pas très vendeur, ça ne crée pas le buzz ni l’intérêt. Un encéphalogramme de sondage désespérément plat ça tend à devenir comme la lecture des horaires de train : pas vraiment passionnant.

Dès lors, tant qu’aucun  changement significatif ne vient réellement troubler les intentions de vote il faut réussir à trouver le bon angle, la bonne question, l’approche, qui permettra de « sortir » des résultats inattendus, originaux qui pourront capter l’attention du public, des confrères et des journalistes, alimentant le cercle vertueux de la « reprise », car un bon sondage est un sondage repris.

Cette recherche d’une forme de « scoop sondagier » est d’autant plus importante à l’ère d’Internet et des médias sociaux, où il suffit de quelques tweets réussis – 2002 repeat #sondage MLP presque au second tour ou encore #sondage au second tour #Hollande et #Sarkozy au coude à coude pour la première fois – pour que les chaînes d’information en continu puis les chaînes généralistes s’accaparent le sujet.

Les sondages sont ainsi devenus des éléments constitutifs du jeu médiatique, auquel ils participent, qu’ils alimentent, et qui en retour leur fournit  de la matière. Dès lors le sondage n’est plus seulement l’instantané des rapports de forces électoraux à un instant « t », mais un objet en soi qu’il faut commenter, analyser, éplucher… avant le prochain.

Chem Assayag  (121 Posts)

Chem Assayag est notamment blogueur et écrivain. Il collabore au site Election Présidentielle depuis l’élection de 2007. Il est l’auteur de nombreux articles sur Agoravox, Rue 89, ou Mediapart. Il est le fondateur avec Nicolas Quint du site Neotopia qui aborde les questions économiques et sociales.