Petite Chronique d’Une Election 41 – La Gagnante

L’identité, les scores et l’ordre d’arrivée des deux finalistes de cette élection présidentielle étaient attendus; cela faisait d’ailleurs plusieurs jours que les sondages avaient correctement cerné ces paramètres. En revanche il y a une vraie surprise liée au résultat de Marine Le Pen.

Ce n’est pas tant son pourcentage de voix (17,90%) qui est très étonnant – elle a toujours oscillé entre 15 et 20% dans le enquêtes, et faut-il le rappeler il y a des marges d’erreur pour tout sondage – mais la combinaison de ce pourcentage avec une participation  élevée, proche de 80%. Ainsi en 2002 Jean-Marie Le Pen avait atteint 16,86%, se qualifiant  alors pour le second tour, mais cela représentait 4,8 millions de suffrages, tandis que le score de sa fille – avec à peine un point de plus – représente 6,4 millions de voix, soit 1,6 millions de voix supplémentaires ! Pour mesurer ce que cela signifie il faut avoir à l’esprit que cela correspond à un total de voix au premier tour supérieur à celui de Jacques Chirac en 2002 alors que ce dernier était arrivé en tête…

Marine Le Pen est donc la grande gagnante de cette première étape du scrutin, et elle l’est à plusieurs titres. Il s’agit tout d’abord d’une victoire personnelle, car ce score lui permet de rejeter définitivement l’ombre tutélaire de son père dans le passé. Elle n’est plus la « fille de », elle est simplement Marine.

Ensuite il s’agit d’une victoire définitive sur son propre parti.  Avec un tel résultat elle peut faire taire toutes les critiques, obliger tous ses opposants internes à faire allégeance, ranger définitivement ses troupes sous ses ordres. Elle montre que, si le Front National reste à l’évidence attaché à l’histoire d’un clan, celui des Le Pen, il n’est plus la seule organisation de Jean-Marie.

Enfin il s’agit d’une victoire stratégique ; Marine Le Pen savait bien qu’elle n’avait aucune chance d’être élue présidente de la République, mais elle poursuit un autre but. Elle veut imposer le Front National comme la force principale à droite, et a minima comme le parti autour duquel une recomposition de la droite va s’opérer. Avec son score du 22 avril et dans la perspective d’une défaite de Nicolas Sarkozy au second tour c’est exactement ce qui risque de se produire à partir du 7 mai. En effet les forces centrifuges à l’UMP vont être très fortes et certains – on peut évidemment penser au mouvement de la Droite Populaire -  seront tentés de former une alliance et/ou de rejoindre les rangs du FN. Dans ce contexte il faut d’ailleurs s’attendre à ce que Marine le Pen fasse son maximum pour faire perdre l’actuel locataire de l’Elysée au cours des deux prochaines semaines.

Si Nicolas Sarkozy était effectivement battu on assisterait alors à une étrange pirouette de l’histoire : Nicolas Sarkozy qui avait réussi à se faire élire en 2007 en partie grâce à un « siphonnage » des voix du Front National,  quitterait la tête de l’Etat en 2012 en l’installant au coeur de la vie politique française,  précipitant par ailleurs l’implosion de son propre parti.

Chem Assayag  (121 Posts)

Chem Assayag est notamment blogueur et écrivain. Il collabore au site Election Présidentielle depuis l’élection de 2007. Il est l’auteur de nombreux articles sur Agoravox, Rue 89, ou Mediapart. Il est le fondateur avec Nicolas Quint du site Neotopia qui aborde les questions économiques et sociales.