Une rencontre très médiatisée entre le président américain Donald J. Trump et le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahu, leur troisième entretien cette année, semble n’avoir abouti à aucune avancée concrète en ce qui concerne un cessez-le-feu à Gaza, malgré l’expression d’un optimisme partagé par les deux responsables quant à une accalmie imminente, quelques jours seulement.
Lors de ce dîner, Trump et Netanyahu avaient des attentes différentes. Trump souhaitait obtenir un cessez-le-feu et aurait probablement voulu l’annoncer officiellement avec Netanyahu à ses côtés, tandis que ce dernier privilégiait l’opportunité de briller au premier plan, dans l’espoir que cela pourrait renforcer sa popularité vacillante en Israël.
« Le Premier ministre Netanyahu souhaite probablement simplement faire une tournée de victoire et éviter de signer un accord qui pourrait compromettre sa position politique », analyse Rachel Brandenburg, directrice de la stratégie auprès de l’Israel Policy Forum à Washington. En fin de compte, Trump a cédé aux demandes de Netanyahu en espérant que cela lui apporterait des bénéfices sur le plan national, en particulier à la maison.
Soutien sans véritable stratégie
Auparavant, Trump avait tenté de soutenir Netanyahu en exigeant que le système judiciaire israélien abandonne ses accusations de corruption pesant contre le président israélien. En 2019, Netanyahu a été inculpé pour des accusations de corruption, de fraude et de détournement de fonds — des charges qu’il nie fermement. Le procès a débuté en 2020 et concerne trois affaires criminelles.
Il semble que Trump espère, contre toute attente, que la simple prise en compte des caprices de Netanyahu convaincra ce dernier qu’un cessez-le-feu, permettant la libération d’une partie des cinquante otages restants de Hamas, kidnappés lors de l’attaque du groupe le 7 octobre 2023 contre Israël, lui donnera un coup de pouce en popularité.
De la même manière, aucune indication ne laissait penser, lors de leur rencontre, que les négociateurs israéliens et ceux de Hamas à Doha avaient réussi à réduire leurs divergences sur les modalités d’un cessez-le-feu, dans le cadre de pourparlers indirects facilités par le Qatar et l’Égypte. Steve Witkoff, envoyé spécial de Donald Trump pour le Moyen-Orient, prévoit d’intégrer ces discussions dans les prochains jours.
Au moment où Netanyahu s’apprêtait à rentrer à Washington, il a jugé inacceptable que Hamas exige des garanties de la part des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte pour qu’un cessez-le-feu de 60 jours aboutisse à une fin définitive du conflit, avec un retrait des troupes israéliennes vers leurs positions d’avant la dernière rupture du cessez-le-feu en mars, ainsi que l’implication de l’ONU et d’autres organismes internationaux dans la distribution de l’aide humanitaire dans la Bande de Gaza.
« Maintenant que Hamas semble prêt à négocier, Netanyahu utilise ses exigences pour ralentir, voire faire échouer, les pourparlers », dénonce Amir Tibon, journaliste spécialiste des questions militaires.
Une vision contestée pour Gaza
Un haut responsable de Hamas a affirmé que les négociateurs avaient réalisé un « zéro progrès » à Doha, en contradiction avec la déclaration du bureau de Netanyahu qui assurait que les discussions avançaient. « Israël impose ses conditions pour la distribution de l’aide humanitaire, qu’il appelle ‘pièges mortels’. Cela n’est en aucun cas acceptable pour le mouvement Hamas », a-t-il précisé.
Plus tôt cette année, les États-Unis et Israël ont mis en place la controversée « Gaza Humanitarian Foundation » — une structure alternative aux ONG et agences internationales afin de contrôler le flux d’aide, visant à remplacer le rôle des acteurs traditionnels. Dans ce contexte, plusieurs centaines de Palestiniens ont été tués dans les quatre points de distribution militarisés de la fondation en Gaza, protégés par une société de sécurité privée américaine.
Un plan, leaké, de deux milliards de dollars révèle la création de grands camps baptisés « Zones de Transit Humanitaire » dans Gaza, voire ailleurs, dans une tentative de reloger la population palestinienne et de « remplacer le contrôle de Hamas ». Une initiative qui renforce la suspicion de Hamas et d’une large majorité de Palestiniens, estimant que la fondation sert de levier dans le projet de Trump et Netanyahu de dépeupler Gaza et de transformer la bande de Gaza en un projet immobilier de luxe.
Les deux dirigeants ont réaffirmé leur volonté lors d’un dîner à la Maison Blanche, lundi. Trump avait exposé son plan, adopté depuis par Netanyahu, lors d’une rencontre à la Roosevelt Room en février. Sans aucune preuve concrète, Trump a affirmé lundi que « nous coopérons très bien avec les pays voisins… toute la communauté internationale, y compris tous les états du Moyen-Orient, condamne le projet de relogement Trump-Netanyahu ».
Les termes utilisés pour désigner ces camps, notamment leur qualification de « zones de transit » et leur localisation en dehors de Gaza, renforcent les soupçons. « C’est une recette pour la catastrophe, car aucun accord durable n’est envisageable dans cette région… Si ce plan devenait une politique officielle, il rendrait caducs tous les cadres d’un règlement post-conflit, incluant l’entrée d’une force d’interposition arabe au sein de Gaza », affirme Alon Pinkas, ancien diplomate israélien.
La fuite du plan et la déclaration de Katz semblent avoir été orchestrées pour compliquer les négociations à Doha. Netanyahu compte probablement sur Trump pour rejeter la faute sur Hamas en cas d’échec, encore une fois.
La nouvelle doctrine militaire israélienne
Cependant, Netanyahu doit avancer avec prudence. Les changements dans la doctrine de défense d’Israël tendent, à court terme, à renforcer sa dépendance à l’égard des livraisons d’armements américains et du soutien politique de Washington. La nouvelle doctrine privilégie une stratégie visant à affaiblir militairement ses ennemis, après l’attaque du 7 octobre, plutôt que le simple maintien d’un équilibre de dissuasion.
Cette approche a influé sur les objectifs militaires israéliens à Gaza, ainsi que sur celle de la démolition du Hezbollah, la milice chiite libanaise soutenue par l’Iran, et de la présence militaire syrienne, dans la foulée de la chute du président syrien Bashar al-Assad en décembre dernier. Outre les installations nucléaires iraniennes, Israël a ciblé durant la guerre de 12 jours en décembre les structures militaires de la République islamique.
En termes de stratégie contre ses adversaires, Netanyahu doit aussi prendre en compte l’évolution des relations avec la Marine américaine, notamment dans la nouvelle configuration de coopération sur le terrain avec des partenaires régionaux, tels que la Jordanie et l’Arabie saoudite.
Les deux États arabes, aux côtés des États-Unis, ont assisté Israël lors des tirs de missiles iraniens en 2022 et lors du récent conflit avec l’Iran. De même, les États-Unis ont joint Israël en juin pour frapper des installations nucléaires iraniennes.
Ce renforcement de la coopération militaire se heurte cependant à une résistance parmi certains factions en Amérique, notamment celles qui prônent une politique « America First », qui s’opposent à toute intervention militaire extérieure des États-Unis et à l’engagement dans des conflits prolongés, promettant de respecter leur principe électoral de limiter l’implication américaine à l’étranger.
Redéfinir l’alliance américano-israélienne
Par ailleurs, Netanyahu doit également faire face aux débats internes au sein de l’administration Trump concernant une éventuelle restructuration de la relation militaire entre les deux pays. La Heritage Foundation, influence conservatrice basée à Washington, a proposé en début d’année un plan visant à réduire la dépendance d’Israël à l’aide américaine, en transformant le statut de ce dernier d’aide bénéficiaire en partenaire à part entière des États-Unis.
Ce plan prévoit de réviser l’accord de 2016, sous Barack Obama, d’un montant de 38 milliards de dollars sur dix ans, en augmentant l’aide annuelle à 4 milliards de dollars tout en procédant à une réduction progressive jusqu’en 2047, date à laquelle l’aide cesserait totalement. En parallèle, Israël serait tenu d’augmenter ses achats dans le matériel de défense américain de 250 millions de dollars par an.
Ce projet n’est pas une surprise et représente une évolution des relations, dans un contexte où Trump s’est éloigné des conventions traditionnelles dès son entrée en fonction en janvier, en engageant directement le dialogue avec des acteurs comme Hamas, les rebelles Houthis au Yémen, ou l’Iran, sans en informer préalablement Israël ou solliciter son avis, privilégiant ses propres intérêts et stratégies.
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