Dominique Barthier

France

ONU à 80 ans : les grandes puissances dénudées

Le monde tel qu’il a vu naître les Nations Unies n’existe plus. Alors pourquoi les diplomates et les responsables politiques réunis cette année pour l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’occasion de son 80e anniversaire, font-ils semblant que si ?

La fondation de l’ONU

À l’époque de la fondation de l’ONU, l’ordre mondial d’après-guerre était dominé par une poignée de nations victorieuses et alliées qui affirmaient leur statut en édifiant un ordre mondial dont elles étaient à la tête.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies, créé en 1946, a mis en place un mécanisme structuré et formel pour promouvoir la paix. La Cour internationale de justice (CIJ) offrait les moyens de régler les différends internationaux. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international fournissaient l’infrastructure nécessaire pour financer le développement mondial.

Depuis, l’ONU a élargi son mandat pour inclure des objectifs tels que le développement durable, l’égalité entre les sexes et la gouvernance inclusive afin de suivre l’évolution des priorités mondiales. Malgré cela, l’institution n’avance pas assez vite. Et maintenant, à peine 80 ans plus tard, il est temps d’une nouvelle architecture.

Les fractures et les manquements moraux de l’ONU

Parmi les institutions internationales, le nom de l’ONU résonne presque comme un mythe. Pourtant, ses idéaux de gouvernance mondiale se traduisent rarement par l’action, et les grandes puissances qui la dirigent se heurtent désormais à des défis.

La démocratie américaine est démantelée à une vitesse record. Quelques heures seulement après l’installation d’un nouveau gouvernement, le Premier ministre français a démissionné après moins d’un mois à la tête du pays. À la mi-octobre 2025, la France avait eu six Premiers ministres en deux ans, tandis que le Royaume‑Uni, encore ébranlé par les retombées du Brexit, a connu cinq Premiers ministres depuis son vote en faveur du départ de l’Union européenne.

Les structures internationales ont été construites sur l’hypothèse que quelques nations leaders maintiendraient l’ordre et la stabilité, et elles craquent désormais, ironie du sort, sous le poids des échecs de gouvernance de ces mêmes puissances.

Le droit de veto du Conseil de sécurité de l’ONU en est l’emblème parfait. L’ONU a instauré ce mécanisme pour empêcher les grandes puissances de s’affronter. Mais il est devenu, en réalité, un subterfuge juridique qui permet à des États plus puissants de nier la souveraineté des nations moins puissantes.

Ce déséquilibre de pouvoir se déploie en temps réel. Depuis près de deux ans, nous avons vu les États‑Unis vetoer des mesures appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Ces actes s’inscrivent dans un schéma historique plus large. Au cours des cinq dernières décennies, les États‑Unis ont vetoé plus d’une cinquantaine de résolutions du Conseil de sécurité critiques à l’égard d’Israël. La part de lumière vient de l’Afrique du Sud, qui a pris les devants et a porté une affaire contre les actions d’Israël à Gaza devant la CIJ.

Le manquement moral des États‑Unis dépasse le Conseil de sécurité. En 2010, les États‑Unis se sont abstenus lors du vote sur une résolution des Nations unies déclarant l’eau comme un droit humain — un acte qui mettait en lumière une vérité trop poignante : le paradigme actuel du Conseil de sécurité de l’ONU existe pour soutenir les intérêts matériels d’une minorité puissante. Il est grand temps que le Conseil de sécurité reflète la véritable composition de ses 193 États membres.

Le Sud global, nouvel espoir pour l’ONU ?

Plus tôt cette année, l’ONU a annoncé que, d’ici 2026, des agences majeures comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et ONU Femmes pourraient s’installer à Nairobi, au Kenya, marquant la fin de l’emprise de 80 ans du Nord global sur les institutions internationales. Et, à mesure que le vernis du libéralisme occidental se fissure sous le recul démocratique, la corruption, l’inégalité et l’autocratie, peut-être est-il temps.

Les Petits États insulaires en développement ont été en première ligne dans l’engagement pour un monde à zéro émission nette. Pendant ce temps, les États‑Unis se retirent des engagements climatiques, retirent des subventions et refusent désormais de reconnaître l’existence du réchauffement climatique. La capitulation constante de nos institutions face au court-termisme des intérêts occidentaux les rend si en décalage avec les valeurs qu’elles prétendent promouvoir que l’ordre mondial est désormais à la dérive.

Le monde est au cœur des conflits les plus violents depuis la Seconde Guerre mondiale, avec une États‑Unis sans gouvernail qui cède son rôle de leadership mondial un peu plus chaque jour. Comme l’a si poignamment demandé l’Institut V‑Dem, la démocratie a‑t‑elle été supplantée ? Si l’indicateur est l’incapacité à agir de façon conséquente sur le changement climatique, l’égalité des genres et les conflits, la réponse est oui.

Si les grandes puissances mondiales, avec toutes leurs ressources et leur puissance, ne parviennent pas à se lever et à faire face à la multitude de crises qui nous affectent, qui le fera ? La capacité limitée de l’ONU et de son Conseil de sécurité nous affaiblit tous. Une architecture radicalement nouvelle — qu’elle soit au sein de l’ONU ou au-delà — sera nécessaire pour l’avenir ; que le Sud global nous y guide.

[Kaitlyn Diana a édité cet article.

Dominique Barthier

Dominique Barthier

Journaliste passionné par la vie publique, j'explore les rouages de la politique française depuis plus de dix ans. J’ai à cœur de rendre l'information accessible, rigoureuse et engageante pour tous les citoyens. Chez ElectionPrésidentielle.fr, je décrypte l’actualité avec une exigence constante de clarté et d’indépendance.