Dominique Barthier

Etats-Unis

Arabie Saoudite Favorise la Diplomatie Régionale Après le Conflit entre l’Iran et Israël

Les affrontements militaires récents, qui ont duré douze jours entre l’Iran et Israël, ont bouleversé la scène géopolitique du Moyen-Orient. Ces hostilités comprenaient des opérations aériennes conjointes impliquant les États-Unis et ont ciblé des installations nucléaires iraniennes, modifiant profondément les dynamiques régionales. Au-delà de l’aspect strictement militaire, ce conflit a aussi influencé la trajectoire de la diplomatie nucléaire et les alignements politiques dans la région. Dans ce contexte mouvant, l’Arabie saoudite affiche une stratégie nuancée et plurielle. Riyad cherche à préserver ses intérêts en conciliant la stabilité régionale, en protégeant ses partenariats stratégiques, tout en renforçant son rôle de médiateur dans l’échiquier du Moyen-Orient en pleine transformation.

Une diplomatie active de Riyad

Le récent déplacement du prince Khalid bin Salman à Washington, où il a rencontré le président américain Donald Trump, constitue l’une des démarches diplomatiques les plus significatives depuis le début des hostilités entre l’Iran et Israël. Selon des rapports de Axios et Fox News, cette rencontre a principalement porté sur l’état sécuritaire de la région, la fin des hostilités à Gaza, ainsi que sur la question des échanges de prisonniers. Lors d’un communiqué officiel, Khalid bin Salman a souligné l’importance de maintenir la stabilité et la sécurité dans la région. La période à laquelle s’est tenue cette rencontre — juste avant la visite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche — reflète l’ambition de Riyad de se positionner comme un acteur diplomatique constructif.

Du point de vue de Téhéran, cet échange pourrait être perçu comme un signe que l’Arabie saoudite cherche à éviter une escalade supplémentaire. La amélioration des relations entre Ryad et Téhéran, notamment grâce à l’accord négocié par la Chine en mars 2023, a créé un espace pour un engagement diplomatique prudent. Riyad semble de plus en plus conscient que des tensions prolongées avec l’Iran risqueraient non seulement la stabilité régionale, mais aussi ses propres projets d’ambition économique, comme Vision 2030. La déclaration de Donald Trump évoquant la possibilité pour l’Iran d’être disposé à négocier — en dépit de l’efficacité limitée des frappes récentes — peut également refléter une pression diplomatique exercée par l’Arabie saoudite pour favoriser le dialogue plutôt que la confrontation.

Un événement marquant a été la conversation téléphonique directe entre Khalid bin Salman et le général Abdolrahim Mousavi, chef des forces armées iraniennes, rapportée par Asharq Al-Awsat. Cet entretien a abordé des questions militaires bilatérales et des préoccupations sécuritaires régionales. Il s’agit de la première prise de contact formelle à ce niveau entre ces deux forces armées depuis plusieurs années, témoignant de la volonté croissante de Riyad d’ouvrir des voies de communication avec Téhéran, même après des périodes de haute tension.

Même si la frappe de missiles menée par l’Iran contre la base aérienne d’Al Udeid au Qatar a suscité des condamnations de la part des États du Golfe, cette escalade n’a pas provoqué de rupture diplomatique majeure. Les canaux de communication diplomatique sont restés ouverts, traduisant ainsi une préférence régionale — notamment dans les capitales telles que Riyad, Doha et Abu Dhabi — pour la gestion des crises plutôt que pour un retour à une politique confrontationaliste ancienne. Pour l’Iran, cette démarche indique un changement dans la façon dont l’Arabie saoudite envisage la diplomatie régionale : une approche qui inclut l’Iran comme un interlocuteur incontournable, plutôt qu’un adversaire à isoler systématiquement.

Exploiter le potentiel diplomatique de Moscou

Simultanément au déplacement de Khalid bin Salman aux États-Unis, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan, s’est rendu à Moscou pour des entretiens avec des responsables russes, notamment le ministre Sergueï Lavrov. Cette démarche traduit la volonté de Riyad de diversifier ses alliances stratégiques et de réduire sa dépendance à l’égard des États-Unis. Selon des sources russes, les discussions ont porté sur le renforcement des liens bilatéraux ainsi que sur l’évolution de la situation au Moyen-Orient. Un message écrit du président Vladimir Poutine à l’heure actuelle à l’attention du roi d’Arabie saoudite avait déjà souligné l’importance de la coopération entre la Russie et l’État saoudien.

Ce déplacement intervient dans un contexte de préoccupations croissantes dans la région face aux actions militaires unilatérales d’Israël et au manque apparent de retenue de la part de Tel-Aviv, que beaucoup de pays du Golfe jugent déstabilisantes. La coopération étroite entre Moscou et Téhéran, notamment dans les domaines militaire et diplomatique, confère à la Russie un rôle d’intermédiaire précieux. Pour l’Arabie saoudite, engager le dialogue avec Moscou s’inscrit à la fois dans une démarche d’équilibrage et d’affirmation de sa propre autonomie dans la configuration de l’après-conflit. Du point de vue iranien, cette ouverture saoudienne vers la Russie pourrait signe d’une volonté plus large de s’éloigner des stratégies de pression menées par Washington et d’envisager des solutions multipolaires pour sécuriser la région.

Une inquiétude croissante face au comportement d’Israël

Pour saisir l’évolution de la posture de la diplomatie du Golfe, il faut considérer la réévaluation des relations avec Israël. Après le conflit récent, plusieurs pays du Golfe — notamment l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis — ont exprimé leur malaise face à la posture agressive d’Israël à Gaza, au Liban, en Syrie, et désormais en Iran. Une perception grandissante dans la région veut qu’Israël, avec son attitude de plus en plus agressive, devienne un acteur imprévisible, capable d’entraîner le Moyen-Orient dans un conflit élargi.

Ce malaise trouve notamment ses racines dans des expériences historiques, telles que le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) et le départ d’Afghanistan, qui ont fragilisé la confiance dans l’engagement de Washington en faveur de la sécurité régionale. En conséquence, plusieurs pays du Golfe cherchent à réduire leur dépendance stratégique à l’égard des États-Unis, tout en souhaitant établir un cadre régional plus équilibré — où l’Iran serait intégré comme partenaire plutôt que mis à l’écart.

Ces évolutions diplomatiques offrent à l’Iran une occasion de consolider son influence dans la région. Fort de sa géographie stratégique, de sa population instruite et d’un tissu infrastructurel robuste, Téhéran reste un acteur central dans toute architecture sécuritaire future. L’accord Iran-Saudi de mars 2023, négocié par la Chine, a posé les bases d’un rapprochement accru, incluant le dialogue militaire. La conversation téléphonique récente entre Khalid bin Salman et Mousavi illustre cette ouverture potentielle.

D’un point de vue saoudien, engager le dialogue avec l’Iran soutient des objectifs plus larges liés à la diversification économique et à la stabilité régionale. Des projets de développement ambitieux, comme Vision 2030, dépendent d’une région du Golfe stable et libérée de tensions accrues, notamment dans le détroit d’Hormuz. C’est pourquoi la diplomatie saoudienne met de plus en plus l’accent sur la réduction des risques, la négociation et une approche pragmatique du régionalisme.

L’Iran, pour sa part, voit dans cette réouverture une chance de renforcer son image de puissance résiliente et de partenaire coopératif. La capacité à réparer ses infrastructures endommagées, à maintenir ses capacités de dissuasion, tout en engageant le voisinage, pourrait contribuer à remodeler la perception qu’ont de lui les acteurs du Golfe. Les déclarations officielles iraniennes et les évaluations d’organismes internationaux comme l’AIEA suggèrent que ses capacités nucléaires restent viables et peuvent être réajustées dans un cadre non-militarisé, même si cette lecture est contestée par l’administration américaine de Trump.

Vers un nouvel équilibre au Golfe

L’activisme diplomatique de l’Arabie saoudite et la stratégie patientiste de l’Iran laissent entrevoir l’émergence d’une nouvelle phase dans les relations régionales du Golfe. Bien que la méfiance persiste, les deux camps reconnaissent l’insoutenabilité d’une compétition à somme nulle. La présence de la Russie, et potentiellement de la Chine, en tant qu’interlocuteurs diplomatiques, soutient cette dynamique vers une gouvernance régionale multipolaire.

Ce contexte en mutation ouvre la voie à une architecture sécuritaire basée sur l’intérêt mutuel, l’intégration économique et la retenue stratégique. Dans cette nouvelle perspective, l’Iran et l’Arabie saoudite pourraient devenir des piliers d’un ordre régional plus équilibré, non plus marqué par la rivalité, mais par une gestion cooperative des crises et une stabilité durable.

Dominique Barthier

Dominique Barthier

Journaliste passionné par la vie publique, j'explore les rouages de la politique française depuis plus de dix ans. J’ai à cœur de rendre l'information accessible, rigoureuse et engageante pour tous les citoyens. Chez ElectionPrésidentielle.fr, je décrypte l’actualité avec une exigence constante de clarté et d’indépendance.