Le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahu affiche sa détermination à dépeupler Gaza, quitte à recourir à toutes les méthodes, même si récemment il a cédé sous la pression américaine en acceptant une réduction de la présence militaire dans la bande de Gaza dans le cadre d’un cessez-le-feu temporaire.
Une présence réduite, un obstacle pour les plans israéliens
Cette présence diminuée, comprenant notamment le retrait du Corridor de Morag, qui sépare Rafah du reste de Gaza, complique les projets du ministre de la Défense israélien, Israël Katz. Celui-ci envisageait de concentrer des centaines de milliers de Palestiniens dans un camp de tentes installé sur les ruines de la ville la plus méridionale de la Bande de Gaza, proche de la frontière égyptienne.
Une politique de dépeuplement en marche
Cela n’a pas empêché Israël de poursuivre sa stratégie de dépeuplement de Gaza en rendant la territoire invivable et inhabitable, espérant ainsi que les Palestiniens “volontairement” se repositionneront dans un pays tiers. Malgré l’autorisation limitée de nourriture et de biens essentiels après 130 jours de restrictions, le flux d’aide humanitaire demeure bien en deçà de ce qui est nécessaire à la survie de la population.
Contrôles et restrictions sur l’aide humanitaire
Par ailleurs, Israël complique l’accès à l’aide qui parvient à Gaza en limitant sa distribution à un seul site géré par la controversée Gaza Humanitarian Foundation, soutenue par Israël et les États-Unis, près de Rafah, ainsi qu’à quelques points sous gestion des Nations unies. Les attaques quotidiennes de l’armée israélienne font de nombreux morts parmi les Palestiniens affamés et désespérés, lesquels risquent souvent leur vie pour se rendre au centre de distribution ou pillent les convois humanitaires autorisés à entrer.
Une opération de déportation sous pression
Ce qui ressemble à une tentative de contraindre le Hamas à accepter un cessez-le-feu, c’est qu’Israël a récemment lancé une ordre d’évacuation forcée pour les Palestiniens de Deir al-Balah, dans le centre de Gaza. Des tracts ont été largués pour inviter ces populations à quitter la zone, sous prétexte que l’armée israélienne allait mener des opérations dans des secteurs où elle ne s’était pas encore engagée. En parallèle, le porte-parole militaire israélien en arabe, le lieutenant-colonel Avichay Adraee, a annoncé sur X (anciennement Twitter) une opération israélienne imminente.
Les responsables du Hamas à l’abri dans l’est de Deir al-Balah
Beaucoup des commandants du Hamas, que l’État hébreu n’a pas encore éliminés, seraient retranchés dans l’est de Deir al-Balah, jusqu’ici épargné par les bombardements israéliens. Les familles des otages encore détenus par le Hamas, enlevés lors de l’attaque du groupe le 7 octobre 2023, craignent que leurs proches puissent également se trouver dans cette zone.
Pressions diplomatiques pour le relogement des réfugiés palestiniens
En parallèle, Israël redouble d’efforts pour convaincre certains pays d’accueillir une partie des réfugiés palestiniens. Selon des sources, l’Indonésie, l’Éthiopie et la Libye auraient manifesté leur ouverture à héberger des Palestiniens expulsés de Gaza.
David Barnea, chef du renseignement extérieur israélien, Mossad, s’est rendu à Washington la semaine dernière pour solliciter l’aide des États-Unis dans la finalisation de ces accords, en proposant des incitations aux pays intéressés. Des diplomates égyptiens ont quant à eux rejeté une proposition américaine d’arbitrer leur différend avec l’Éthiopie au sujet du barrage du Nil, si l’Égypte acceptait le plan du ministre Katz visant à enfermer les Gazaouis à Rafah. L’Égypte redoute que cette opération ne devienne un prélude à une poussée des Palestiniens vers la péninsule du Sinaï.
Les propositions des autres pays
En avril, le président indonésien Prabowo Subianto avait déclaré que son pays accepterait provisoirement 1 000 Palestiniens blessés, traumatisés ou orphelins. Ces réfugiés pourraient revenir à Gaza une fois leur situation médicale stabilisée et la sécurité rétablie.
En mai, l’ambassade des États-Unis à Tripoli a démenti toute initiative de relogement des Gazaouis en Libye, qualifiant de “totalement infondantes” les rumeurs circulant à ce sujet.
Influence de la pression arabe et la position américaine
Les pressions arabes ont freiné l’enthousiasme du président américain Donald Trump pour une idée qu’il avait initialement évoquée lors d’une visite à la Maison Blanche en février avec M. Netanyahu, à savoir déplacer tous les Palestiniens hors de Gaza pour transformer cette zone en un développement immobilier de luxe. Bien que cette proposition ait été renouvelée à plusieurs reprises par Trump, la question de leur relogement a été laissée à l’appréciation de Netanyahu lors de sa dernière visite. Le Premier ministre israélien a officialisé cette idée en faisant de sa politique israélienne officielle.
Une mobilisation croissante en faveur de l’évacuation
Récemment, des centaines de Gazaouis ont rejoint le groupe Survival_Attempt sur WhatsApp, qui sert de forum de discussion sur les moyens de quitter Gaza. Ce phénomène semble indiquer que la stratégie de Netanyahu commence à porter ses fruits. « Il ne s’agit pas de quitter notre terre natale. Il s’agit de survivre. Nous ne demandons pas aux gens de partir ; nous leur demandons de vivre, de survivre », explique Khaled Abu Sultan, le fondateur du groupe, âgé de 33 ans.
Ce dernier a affirmé qu’il ne retournerait pas à Gaza, même si la situation devenait parfaite du jour au lendemain. « Même si cet endroit devenait un paradis du jour au lendemain, je ne reviendrai pas. Gaza ne s’est pas seulement décomposée pour moi, elle est morte pour les générations futures », a-t-il déclaré.
Les messages du Hamas et l’avenir des otages
Le porte-parole militaire du Hamas, Abu Ubaida, a averti qu’un échec à mettre en place un cessez-le-feu temporaire à Gaza pourrait pousser le groupe à revenir à une stratégie du tout ou rien : la libération des otages encore détenus par le Hamas en une seule fois, plutôt que par étapes, en échange d’un retrait complet d’Israël de la bande ou de la fin du conflit. Bien que cette option ne soit pas officiellement exprimée, elle vise en partie à contrecarrer les plans israéliens de dépeuplement de Gaza.
Depuis le début, M. Netanyahu, qui refuse de mettre fin à la guerre, a insisté sur la libération progressive des otages, alors que le Hamas privilégie une libération globale pour arrêter les hostilités immédiatement.
Un conflit qui perdure, malgré les efforts
En dépit des tentatives israéliennes, Netanyahu a réussi à prolonger le conflit sans toutefois libérer militairement les otages ni contraindre le Hamas à capituler, notamment en raison de la brutalité des attaques israéliennes et du blocage ou de la réduction de l’aide humanitaire indispensable à Gaza.
Les retards de la diplomatie américaine
Une indication que les prévisions sur un accord de cessez-le-feu imminent pourraient être optimistes, c’est que Steve Witkoff, envoyé spécial américain, a plusieurs fois reporté son départ pour le Qatar, où il aurait dû finaliser un compromis.
Les perspectives et les incertitudes
Cependant, l’optimisme américain est alimenté par l’attente que M. Netanyahu pourrait se montrer plus flexible après le 27 juillet, lorsque la Knesset, le parlement israélien, sera en congé jusqu’en octobre. Cela empêcherait les députés extrémistes de remettre en question un éventuel accord ou de faire tomber le gouvernement. Mais cette flexibilité accrue pourrait ne pas suffire à calmer la frustration croissante de la Maison Blanche envers le Premier ministre israélien.
Une nouvelle escalade des tensions régionales
Récemment, suite à une attaque israélienne contre le ministère syrien de la Défense pour soutenir la minorité druze dans la ville d’As-Suwayda, et une frappe “erronée” sur la seule église catholique de Gaza, des responsables américains ont exprimé leur inquiétude quant à un possible dérapage incontrôlable de Netanyahu.
Ils ont précisé que cette impulsivité risquait de mettre en péril la relation entre Netanyahu et Trump. « Le président n’aime pas voir à la télévision des bombes tomber dans un pays en quête de paix qu’il a lui-même soutenu pour la reconstruction », a expliqué un responsable américain, faisant référence au soutien de Trump au président syrien Ahmed al-Sharaa et à la levée des sanctions contre la Syrie.
Les réactions aux violences en Cisjordanie et en Israël
La semaine dernière, l’ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, un chrétien sioniste, a qualifié la mort d’un Américain palestinien d’« acte criminel et terroriste ». Il a également dénoncé comme un « acte de terrorisme » l’attaque par des colons contre une église datant du Ve siècle, située à Taybeh, en Cisjordanie.
« Commettre un sacrilège en profanant un lieu de culte est un acte de terrorisme, c’est un crime. Il doit y avoir des conséquences, et elles doivent être sévères, car ces lieux sont parmi les derniers bastions de notre civilisation, où l’on pratique notre foi », a-t-il déclaré.
Tensions avec la communauté évangélique
En réponse à l’attaque contre l’église, la députée républicaine Marjorie Taylor Greene a voté, aux côtés de démocrates progressistes comme Rashida Tlaib et Ilhan Omar, une proposition visant à retirer à Israël 500 millions de dollars d’aide militaire. La Chambre des représentants a rejeté cette proposition par un vote de 422 contre 6.
Les violences en Cisjordanie
Par ailleurs, Sayfollah Musallat, un jeune Américain de 20 ans, a été roué de coups par des colons israéliens dans la ville de Sinjil, en Cisjordanie, vendredi dernier.
Des tensions croissantes dans le camp pro-israélien américain
Dans un autre signe de tension avec une partie de la base de soutien à Trump, notamment l’évangéliste Mike Huckabee, Israël a été aussi critiqué pour avoir restreint les visas accordés à des groupes évangéliques. « Ce serait dommage si nous étions contraints de révéler publiquement qu’Israël harcèle ces groupes et affiche une position négative à leur égard », a écrit Huckabee dans une lettre au ministre israélien de l’Intérieur, Moshe Arbel.
Israël a récemment commencé à exiger que les groupes souhaitant obtenir un visa détaillent leurs croyances religieuses, leurs activités et leurs biens en Israël.
Une escalade dans la couverture médiatique conservatrice
Le média de droite radicale One America News Network a récemment diffusé un reportage sur le meurtre de Sayfollah Musallat, intégrant une segment sur ces restrictions de visas et les attaques contre les chrétiens en Israël, soulignant ainsi une fracture dans la relation avec les segments pro-Trump.
Ignorance des violences coloniales en Cisjordanie
Les médias ultraconservateurs, jusqu’à présent, ont largement ignoré l’ampleur des agressions des colons israéliens contre les Palestiniens en Cisjordanie. « La vérité, c’est que ce n’est pas une tragédie isolée. C’est une partie intégrante d’un modèle d’attaques systématiques menée par des colons contre des communautés palestiniennes, comprenant l’incendie de maisons, de fermes et la destruction de vies, le tout sous la protection des forces israéliennes financées par les dollars américains », a déclaré l’ancien député floridien Matt Gaetz lors d’un de ses interventions.
