Dominique Barthier

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La reconnaissance de la Palestine par l’Occident bouscule les États‑Unis et Israël

La reconnaissance de l’État palestinien par le Royaume‑Uni, la France, l’Australie, le Canada, la Belgique et le Portugal a été perçue par certains comme un tournant, et par d’autres comme un symbolisme vide. Mais est-ce vraiment important ?

La réponse est oui. Cela compte non seulement pour la Palestine et Israël, mais aussi dans le cadre plus large de la géopolitique mondiale. En termes de conflit israélo-palestinien en particulier, on observe une dynamique indéniable qui se met en mouvement. Pour ceux qui restaient derrière les États‑Unis, la pression se fait sentir.

Cependant, comme tous les aspects du conflit israélo-palestinien, ce n’est pas un changement brusque. C’est un conflit aux racines profondes, caractérisé par une évolution plus que par une révolution. À la fin des années 1980, la Russie et la Chine reconnaissaient un État palestinien dans le cadre d’un soutien communiste à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

Avançons jusqu’en 2014, lorsque la Suède est devenue le premier État d’Europe occidentale à reconnaître la Palestine, avec peu d’effet. Dix ans plus tard, dans le sillage de la réactualisation du conflit à Gaza, quatre autres pays européens — l’Espagne, la Norvège, l’Irlande et la Slovénie — l’ont emboîté.

Si l’on regarde aujourd’hui l’Assemblée générale des Nations unies, le non-reconnaissance de la Palestine apparaît comme une position isolée. Avec le mouvement du Royaume‑Uni et de la France, les États‑Unis deviennent le seul membre permanent du Conseil de sécurité à ne pas reconnaître la Palestine. Parmi les G20 (un forum international réunissant 19 pays et deux organes régionaux qui cherche à trouver des solutions aux questions économiques et financières mondiales), ce ne sont désormais plus que l’Allemagne, l’Italie, le Japon et la Corée du Sud qui se joignent à eux.

Israël perd le fil de l’argumentaire

Les actes parlent plus fort que les mots. Le mouvement des États vers une position de reconnaissance de l’État palestinien démontre qu’Israël et les États‑Unis perdent le fil dans le débat mondial sur le conflit israélo-palestinien.

Cela ne signifie pas qu’un changement radical sur le terrain va se produire. Israël bénéficie d’une supériorité militaire écrasante et du soutien de la plus grande puissance mondiale. Cela le rend pour l’instant serein quant à la poursuite de la trajectoire qu’il choisit.

Cependant, l’érosion progressive du soutien occidental à la position des États‑Unis dans le conflit est révélatrice. De nombreux observateurs déplorent que la décision actuelle du Royaume‑Uni et de la France soit trop peu et trop tardive. Il est probable que leurs gouvernements estiment que les événements sur le terrain et l’opinion publique qui en découle leur imposent une certaine contrainte.

Il est également révélateur que trois des grands États qui restent récalcitrants — l’Allemagne, l’Italie et le Japon — aient été battus durant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi rappeler ce passé, pourriez-vous demander ? Parce que l’histoire ancienne a tout à voir avec le conflit israélo-palestinien, et le soutien inconditionnel à Israël affiché par ces pays est profondément lié à leur expérience des guerres.

Rien ne changera

Malgré le basculement du pendule contre la position américaine dans le conflit israélo-palestinien, peu de preuves d’un tel basculement seront visibles dans les événements du Moyen-Orient. En effet, la position des États‑Unis est peut‑être aussi solidement déterminée qu’elle ne l’a jamais été, et il semble improbable qu’elle évolue sous l’administration actuelle.

Et cela s’explique aussi par le fait que, malgré ce geste marquant et les répercussions diplomatiques qui en découlent, ni le Royaume‑Uni, ni la France, ni aucun des autres pays ayant reconnu l’État palestinien ne souhaitent intensifier activement le conflit. Il ne s’agit pas d’un activisme étatique dans le conflit israélo-palestinien, mais plutôt d’une gestion d’une situation de relations publiques aiguë.

Aucune nation occidentale n’a l’intention de mettre sérieusement à l’épreuve ses liens avec l’administration Trump à Washington. Une caractéristique des relations bilatérales à l’ère nouvelle est le désir de coopérer avec le gouvernement américain, et parfois de l’apaiser. Aucune administration occidentale ne permettra que le conflit israélo-palestinien brouille ces efforts.

Cependant, le fait même que les reconnaissances en cascade aient lieu indique un changement plus large dans le paysage géopolitique. Ce qu’elles représentent, c’est une fragmentation supplémentaire des alliances et des positions traditionnelles. Dans cette nouvelle ère de politique étrangère transactionnelle, dirigée par les grandes puissances que sont les États‑Unis, la Chine et la Russie, nous voyons des États s’éparpiller et adopter des positions sur des questions spécifiques adaptées à leurs besoins propres, parfois domestiques.

Pour des pays comme le Royaume‑Uni, la France, l’Australie et le Canada, la reconnaissance de l’État palestinien doit être vue non seulement comme une réponse au conflit israélo-palestinien, mais aussi comme une réponse à l’administration du président Donald Trump.

Les gouvernements de ces nations, qui ont tous, à leur manière, trouvé des façons pragmatiques de travailler avec l’administration Trump, envoient par cette action un message proxy à leurs électeurs et à leurs partenaires internationaux. Ils peuvent intégrer cette décision dans un récit axé sur le droit international et les droits de l’homme.

En procédant ainsi, ils marquent des principes auxquels ils souhaitent être associés, tout en faisant preuve d’un réalisme politique face aux nouvelles réalités de la politique des grandes puissances. On peut s’attendre à une alliance fondée sur des intérêts circonstanciels plutôt qu’à un tournant durable vers un nouveau centre de gravité.

N’attendez pas que des États comme le Royaume‑Uni et la France s’éloignent brusquement du consensus avec les États‑Unis dans l’ensemble de leur politique. Après tout, à la veille même de la reconnaissance par le Royaume‑Uni de la Palestine, son Premier ministre et la Famille royale recevaient d’une manière fastueuse la seconde visite d’État du président Trump, dans un cadre somptueux.

Comme dans de nombreux moments de la longue histoire du conflit israélo-palestinien, il s’agit d’un moment déterminant et important, mais il ne changera pas fondamentalement le cours d’un conflit qui continue d’évoluer selon ses propres dynamiques impitoyables.

[Kaitlyn Diana a édité cet article.

Dominique Barthier

Dominique Barthier

Journaliste passionné par la vie publique, j'explore les rouages de la politique française depuis plus de dix ans. J’ai à cœur de rendre l'information accessible, rigoureuse et engageante pour tous les citoyens. Chez ElectionPrésidentielle.fr, je décrypte l’actualité avec une exigence constante de clarté et d’indépendance.