Dominique Barthier

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Pourquoi la dissuasion nucléaire reste efficace : leçons du raid de Donald Trump contre l’Iran

Une série de cambriolages dans votre quartier

Récemment, votre voisinage a été le théâtre d’une vague d’intrusions chez des particuliers. Des voyous armés, affiliés à une organisation criminelle, ont brisé des portes et dérobé tout ce qu’ils pouvaient trouver. La police n’est intervenue qu’après ces agressions, qui ont malheureusement causé des blessures, voire quelques décès. En raison du manque de moyens et de leurs ressources limitées, les forces de l’ordre n’ont pas réussi à empêcher ces cambriolages.

Une signalisation dissuasive face à la criminalité

Au sein de votre quartier, quelqu’un décide alors de mettre en place une affiche avec cette mention : « Ce propriétaire est armé et dangereux ». La nuit suivante, les mêmes malfaiteurs prennent la décision de cambrioler les maisons situées de part et d’autre, ne se risquant même pas à vérifier si le propriétaire du centre possède une arme ou sait s’en servir. Ils évitent simplement cette maison-là, laissant de côté celle du milieu.

Une question qui se pose à vous

Alors, que feriez-vous à votre place ? Vous achèteriez une arme à feu ?

Peut-être n’êtes-vous pas en faveur de la détention d’armes. Dans ce cas, envisageriez-vous d’afficher une signalisation similaire, même si le seul objet dangereux dans votre maison est un coupe-ongles ? Les preuves semblent indiquer que la simple menace de riposte suffit à décourager d’éventuels assaillants. La vie de votre famille, votre sécurité, sont en jeu.

Un dilemme universel et ses parallels nucléaires

C’est le dilemme auquel sont confrontés de nombreux pays à travers le monde, sauf que dans cette analogie, l’arme seule capable d’assurer une dissuasion ultime est une arme nucléaire. Les nations dépourvues d’armement nucléaire, comme la Libye ou l’ex-Yougoslavie, ont connu des attaques qui ont finalement conduit à un changement de régime. À l’inverse, celles qui possèdent même quelques ogives — telles que la Corée du Nord ou la Chine — ont réussi à dissuader d’autres États mal intentionnés.

Les exemples du Moyen-Orient et la course à la dissuasion

Irak, malgré ses signaux d’avertissement laissés dans sa vitrine sans achever de développer l’arme ultime, a été récemment bombardé par Israël et les États-Unis. Un cessez-le-feu fragile est actuellement en vigueur dans ce conflit. L’administration Trump pensait avoir détruit le programme nucléaire iranien, croyant pouvoir désormais exercer plus de pressions lors des négociations.

Mais la leçon évidente à tirer pour Téhéran après ces attaques est claire : poursuivre clandestinement le développement d’armes nucléaires est assurément risqué, mais ne pas l’avoir pourrait l’être encore davantage. En effet, les États nucléarisés qui n’ont pas subi de campagnes de bombardement dévastatrices donnent à d’autres pays l’impression qu’il faut rapidement acquérir leur propre bombe pour assurer leur sécurité.

Ce phénomène ne concerne pas seulement l’Iran. D’autres nations en déduisent qu’il est nécessaire d’adopter une posture nucléaire pour survivre dans un environnement international où la sécurité collective — la police mondiale — s’effrite comme une clôture soufflée par un ouragan.

La complexité iranienne

Les armes peuvent servir à diverses fins — on peut chasser, tirer sur des cibles en argile ou encore commettre des massacres, comme dans une école.

De la même façon, les installations nucléaires peuvent avoir des utilisations très variées. L’Iran affirme que ses installations nucléaires ont pour but la production d’énergie, d’isotopes médicaux, etc. Cependant, un pays n’a pas besoin d’enrichir son uranium à 60 % pour atteindre ces objectifs pacifiques. La puissance nucléaire commerciale requiert un taux d’enrichissement de 3 à 5 %. L’uranium utilisé pour la fabrication d’armes, lui, doit atteindre environ 90 %.

Sous l’administration Obama, en partenariat avec d’autres acteurs internationaux, un accord nucléaire a été négocié avec l’Iran. Cet accord limitait le taux d’enrichissement à 20 % et commençait à diluer les réserves d’uranium iranien à 3,5 %. Mais avec la sortie des États-Unis décidée par Trump, ce dernier a rapidement détourné la niveau d’enrichissement de l’uranium, qui a recommencé à grimper.

Iran maintient deux installations d’enrichissement souterraines, à Natanz et Fordow. Ces sites ont été ciblés par les bombes américaines. Les 14 bombes larguées par les États-Unis auraient dû, selon la propagande de l’administration Trump, ramener l’Iran à une époque pré-nucléaire. Cependant, selon des experts, ces frappes n’ont causé qu’un retard de quelques mois dans le programme iranien.

Des capacités encore présentes malgré les frappes

Le président Donald Trump a toujours tendance à proclamer victoire, même enphase de défaite évidente. La récente attaque ne semble pas avoir détruit durablement les capacités nucléaires iraniennes, d’après des sources anonymes du DIA. Selon elles, l’Iran pourrait, en quelques mois, remettre en marche une partie de ses centrifugeuses et reprendre l’enrichissement du combustible.

Les responsables iraniens, même en privé, ont été surpris de constater que les dégâts n’étaient pas aussi importants qu’ils l’avaient anticipé. La destruction de quelques installations ne suffit pas à éradiquer la savoir-faire de leurs scientifiques ou à faire disparaître le désir de posséder l’arme ultime dans la population.

Un sondage de l’année dernière révélait que près de 70 % des Iraniens étaient favorables à l’obtention de l’arme nucléaire, malgré deux décennies où l’opinion publique rejetait cette option.

Ce constat doit alerter tant les États-Unis qu’Israël : il ne suffit pas de changer de régime pour éliminer la menace nucléaire. La complexité iranienne demeure intacte.

Les éventuelles négociations à venir ?

Après l’annulation de l’accord sur le nucléaire iranien par Trump en 2017, la diplomatie ne semble pas être en tête des priorités de l’administration américaine. Toutefois, ce n’est pas la diplomatie en tant que telle qu’elle rejette, mais uniquement celle liée à l’administration Obama.

Le vendredi précédant la frappe, alors que Israël poursuivait ses bombardements, des discussions secrètes se poursuivaient entre Washington et Téhéran. Selon CNN, parmi les sujets abordés, on trouve une proposition d’investissement d’environ 20 à 30 milliards de dollars pour un nouveau programme nucléaire civil iranien, à usage énergétique. Ces fonds, selon les sources, ne viendraient pas directement de l’Amérique, qui privilégie que ses alliés arabes financent cette initiative.

Ce plan ressemble à l’accord-cadre conclu entre la Corée du Nord et la majorité des partenaires internationaux, qui prévoyait la construction de réacteurs civils financés principalement par Séoul. Mais ces réacteurs n’ont jamais été construits, et la Corée du Nord a mené à bien ses propres programmes nucléaires.

De leur côté, les Iraniens ont exprimé leur volonté de revenir à la table des négociations, à condition d’obtenir des garanties de non-attaque à l’avenir. Cependant, compte tenu du climat de méfiance réciproque, il paraît difficile d’imaginer l’Iran renonçant définitivement à sa capacité nucléaire, ou Israël renonçant à ses frappes, même si des engagements officieux sont pris pour relancer le dialogue.

Trump, le maître de l’opportunisme

Certains pensent que Donald Trump serait un isolationniste ou un antimilitariste, croyant à une influence limitée des grandes puissances. Pourtant, ses actions montrent le contraire.

Donald Trump est avant tout un opportuniste politique. Il adopte des positions — anti-IVG, pro-cryptomonnaies — en fonction de leur potentiel à accroître ses bénéfices politiques et économiques, plutôt que sur des convictions profondes.

En matière de politique étrangère, Trump a élevé cet opportunisme au rang de doctrine géopolitique. Il a évoqué l’idée de se tenir à l’écart de tout conflit, mais dès qu’une opportunité concrète se présente, il n’hésite pas à frapper. Par exemple, il a lancé une attaque contre des cibles iraniennes en profitant d’un espace aérien déjà sécurisée par Israël, ce qui réduisait considérablement les risques.

Il a critiqué la corruption en Ukraine, mais a également signé un accord minier avec le gouvernement de Kyiv. Il n’a aucun problème à négocier avec les fondamentalistes religieux, qu’ils soient sunnites ou chiites. La seule chose qui l’intéresse, c’est de tirer profit des opportunités, même si cela peut contribuer à faire augmenter la prolifération nucléaire.

Le président américain n’a pas hésité à s’afficher comme un ami des puissances nucléaires telles que la Russie ou la Chine. Il a échangé des « lettres d’amour » avec Kim Jong Un, tout en maintenant une posture agressive contre l’Iran, la Venezuela ou Cuba. Il a aussi évoqué la possibilité d’annexer le Groenland ou le Canada dans ses ambitions géopolitiques.

Une course à l’armement et ses implications

Malgré un discours parfois rassurant sur la nécessité de limiter le nucléaire, Trump augmente le budget de l’arme atomique : près de 13 milliards d’euros investis, et un projet pour un « dôme d’or » qui pourrait encourager d’autres nations à renforcer leur propre arsenal. Ce type de compétition contribue à faire renaître les vieilles doctrines de dissuasion, comme l’ont illustré le traité anti-missiles balistiques qui est aujourd’hui abandonné.

De plus, la méfiance grandissante de Washington à l’égard de ses alliés traditionnels fragilise la couverture nucléaire régionale, notamment en Europe et en Asie. Certains pays, comme la France ou la Corée du Sud, envisagent désormais de développer leur propre arsenal nucléaire pour garantir leur sécurité, craignant l’insécurité liée à l’incertitude américaine.

Quant à l’Iran, le parlement envisage de se retirer du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP). Seuls deux pays l’ont quitté : la Corée du Nord, et quelques autres ne sont pas parties mais pourraient suivre la voie de la sortie, comme l’Arabie saoudite ou la Turquie, qui évoquent la possibilité d’acquérir une arme nucléaire.

Les actions de Trump parlent d’elles-mêmes. Il a échangé des « lettres d’amour » avec Kim Jong Un, avec Poutine ou Xi Jinping, tout en multipliant les menaces contre l’Iran, Cuba ou le Venezuela. Il a appuyé une politique de confrontation, tout en laissant croître le risque de prolifération nucléaire dans le monde entier.

Dominique Barthier

Dominique Barthier

Journaliste passionné par la vie publique, j'explore les rouages de la politique française depuis plus de dix ans. J’ai à cœur de rendre l'information accessible, rigoureuse et engageante pour tous les citoyens. Chez ElectionPrésidentielle.fr, je décrypte l’actualité avec une exigence constante de clarté et d’indépendance.